La parenthèse d’Isa 030125 Anthropomorphisme et autres tropismes
Diffusé le 03/01/2025
ANTHROPOMORPHISME ET AUTRES TROPISMES
à travers le sale sort d’un animal destiné à la trépanation de son propre chef
Il suffit d’aller fouiller dans la nature sauvage pour dégoter des spécimens et des comportements propres à prouver tout ce qu’on voudra à propos de l’espèce qui nous intéresse : l’espèce d’humain.
Que l’analogie repose sur quelque fondement ou qu’elle complote avec le sophisme — voire relève de la franche carabistouille —, la nature s’en balance mais l’animal qui se pense le moins bête ne peut pas s’en empêcher : il faut qu’il s’illustre dans la comparaison pour justifier par une logique bio-compatible ses agissements les moins raisonnables et ses crédulités les plus recuites.
Dans “anthropomorphisme”, il y a “trop”.
Imbu de lui-même au point de croire la bête faite à son image, l’homme s’imagine que pour son chat, il est Dieu. (Alors que le chat sait bien que Dieu, c’est lui.)
L’homme est bête. C’est un fait entendu. Mais le dire « con comme une mule » fait offense à ce véhicule hybride doté d’un module de contrôle évolué. Couillon comme une burne serait plus réaliste.
Plût au chat que l’homme se compare plutôt-au mouton ; une espèce qui n’existe que dans son imagination puisqu’à la bergerie, il n’y a que des brebis. A la rigueur un bélier mais aucun risque d’y trouver des agneaux castrés échappés à la boucherie pour se ranger en troupeau derrière l’opinion commune qui, avec sa manie d’étiqueter, distingue les pacifiques poissons d’eau douce, les dulçaquacoles, des espèces de saléquicoles, comme la morue.
Là vous me direz, c’est n’importe quoi. Oui, j’en conviens mais alors, et le babiroussa ?
Vous irez sur Google voir la gueule qu’il a et vous me direz… Hein, tout de même ! Chez ce bestiau malais-là, le morphologique croise l’étymologique pour cumuler dans le superfétatoire. Composé à 30 % de porc (babi), 30 % de cerf (russa) et de punk pour le reste, le babiroussa est un homme-cerf-porc 100 % véritable.
Quand l’homme-ours-porc de South Park n’était qu’une chimère en papier animé – même pas du vrai papier découpé à la main — le babiroussa est fait de chair et de sang sous une épaisse cuirasse plantée de soies drues et par-dessus tout ça, d’une paire de défenses surnuméraires qui lui sort du groin et se recourbe en forme de nawak. Pauvre bête…
Fragiles car mal conçus et surtout mal placés, ces attributs sont non seulement inutiles, mais dangereux car, à la manière d’une maladie auto-immune, ils prolifèrent en attaquant leur hôte. Pouvant atteindre 30 cm, ces défenses peuvent atteindre surtout — même s’il est souvent fort sale — le propre front de l’animal. Lentement mais inexorablement, l’excroissance de corne finit alors par perforer le crâne jusqu’à ce que mort s’ensuive. Ou par fendre en deux le groin jusqu’à ce que l’infection s’y mette et que mort s’en suive.
Heureusement pour les babiroussas, la plupart d’entre eux meurt avant l’issue funeste, de la morsure du python réticulé, de la balle d’un homoncule ou du recul de la forêt.
Heureusement bis pour l’espèce malaise, la malaisante autant que malaisée malformation ne fait qu’une moitié de malheureux. L’autre moitié s’en sort. En effet, la paire de cornes étant exclusivement délivrée avec la paire de couilles, ça ne touche, au sens propre comme au figuré, que les individus mâles.
Procurant davantage de tares que d’avantages puisqu’ils ne sont utiles, tels les andouillers d’autres brocards, ni pour ferrailler entre couillus, ni pour fouiller la terre à la glandée, ces deux affreux machins seraient seulement là pour faire joli. Comprenez que les femelles y seraient sensibles. Faut-il qu’une dévotion de mante ou de veuve noire pervertisse la libido de ces babirousses pour qu’elles se réjouissent à la vue du mâle menacé d’auto-trépanation sous l’assaut de son propre rostre !
La nature a ses raisons que la raison s’en fiche.
Mais je me fais l’avocat de la défense, et je plaide que s’il dessert le cochon roussi, ce self-service à la broche sert à tout autre chose qu’à servir le brocard sans les honneurs de la vénerie.
En effet, la figure du pitoyable babiroussa s’illustre à merveille dans l’allégorie.
Ses cornes dérisoires fournissent l’instrument anthropomorphique idéal pour brocarder l’humain et tous les mécanismes de défense que développent les hommes contre les moulins à vent.
Plantées à travers la bête, ainsi sacrifiée au profit de l’espèce, ces piètres parades servent un objectif qui dépasse ceux qui en pâtissent.
C’est ici le fantasme rétrograde d’un mégalomaniaque qui aiguillonne les Petits-Russiens à s’entrelarder dans la rétroaction d’une guerre fratricide.
Dressées pour la parade martiale comme celle du babiroussa pour la nuptiale, ces métaphoriques défenses pointent les manies de l’épate et du prestige mais aussi celles de la pleutrerie sous la préservation des apparences.
Ainsi épinglent-elles sur son quant-à-soi l’obsessionnel soucieux du qu’en dira-t-on. Les rituels de protection dont celui-là s’entoure contre ses pulsions impures, s’ils sont efficaces pour préserver l’ordre établi des bonnes convenances, finissent par coincer le névrosé dans sa tour d’ivoire, où il s’autocrève seul.
A propos d’ivoire, sachez qu’une défense qui coûte une blinde, plutôt que vous blinder vous rend vulnérable. Le plus sage, pour le pachyderme qui ne veut pas laisser sa défense à la merci du bras qui braconne, est de se la faire couper.
Mais allez donc parler de sagesse et de réduction de ces risques à l’orgueil d’un chef d’Etat qui se pique d’un mirage, qui voit son peuple au garde-à-vous, converti tout d’un seul au patriotisme intégral. Pour alimenter ce mirage, il engloutit des milliards dans le SNU, un service à personne qui semble servir surtout à entretenir les traditions de maltraitances et d’inégalités…
Que ce triste conte du porc épique qui porte l’estocade à ses porte-drapeau, porte au moins la leçon : trop investir dans la défense se fait fatalement au détriment de l’éducation, de la sécurité individuelle, de la sociale. C’est prendre le risque de voir la populace se répandre dans les rues, si bien qu’il faut la pourfendre à tirs tendus de flashball en pleine face.
Chers petits porcs keupons, ancrez-vous ça dans le crâne : à se défendre à tort et à travers, on ne s’en prend qu’à soi-même.
Ces affligeants poinçons qu’on darde sur vos têtes ne sont pas faits pour vous protéger. Si on vous impose de les porter, faites comme le babiroussa : retournez-les contre vos chefs !