La parenthèse d’Isa 011124 Bozayers et lendemains qui déchantent
Diffusé le 01/11/2024
BOZAYERS ET LENDEMAINS QUI DECHANTENT
Des mineurs en déroute sur Alès
Depuis que l’humanité s’est partagé le monde, ceux d’en haut ont pris sur eux les responsabilités de la croissance et les soucis du profit, laissant aux autres, qu’ils estiment immatures, l’insouciance du sous-développement.
Dans les grandes familles à la Druon, quand le père dit à son fils − Tiens, mon petit, emporte ça, et commence à travailler, il lui donne carte blanche, avec la carte Bleue.
Mais dans l’autre hémisphère où les gens vont tête en bas, tout se fait à l’envers. Là-bas, la mère qui laisse aller ses fils vers l’horizon sur lequel miroite un avenir meilleur, ne peut leur donner que son blanc-seing, comme un talisman : la liberté
de quitter le pays pour celui de Cocagne, où les fils se font prospères et deviennent pour les leurs de vrais héros vengeurs.
Bravant l’inconnu, les fils entament alors un long et périlleux périple. Poussés trop loin des leurs, ils vont souffrir, sur ce chemin. Ils vont… pousser trop vite, et s’endurcir, pour tôt ou tard se retrouver sur le bateau qui les rendra, soit à la mer, soit à l’avenir, et à Dieu va, inch Allah !
Ainsi, les fils poussés trop vite, loin de leur mère, émergent de l’autre côté en mineurs non accompagnés. Et aussitôt, après avoir bravé tant d’épreuves, après avoir fait tant d’efforts pour ne pas pleurer, il leur faut montrer patte blanche à quelqu’incompétent afin de le convaincre de leur tendre innocence…
C’est la loi des quotas.
Dans les États de droit, les quotas sont censés assurer une juste représentation des minorités. Mais pour ceux qui viennent d’arriver dans un sale état dans un Etat de droite, le quota est un droit que se donne l’État, de sélectionner, dans l’arrivage, le pourcentage qui lui échoit. Le tri se fait à la minorité.
Chaque état confie à l’asso de son choix la tâche d’isoler, dans le tas, les mineurs à protéger des profiteurs à refouler. Pour ça on les passe, un par un, par l’épreuve de l’évaluation, procédure étalonnée selon la variable aléatoire qui confère l’ajustement le plus efficace pour l’estimation subjective comparée, jusqu’à concurrence du quota requis.
Ici, dans le Gard, ceux qui se tapent ce sale taf sont de l’Espélido. Ils l’expédient au pif, au faciès ou au pied à coulisse. Ils l’expédient aussi à la crédibilité de la narration.
Parce que, sache-le ! l’âge inscrit sur tes papiers, petit, ne vaut que pour participer au casting. C’est l’âge qu’on te donne à l’audition qui détermine le rôle qu’il convient de t’attribuer. Et comme les places “enfant” ici sont chères, tu dois jouer serré pour obtenir la tienne et ne pas te retrouver à camper ton perso à l’âge du capitaine…
Tant pis pour toi si, manque de pot, la bonne sœur laïque chargée du pouvoir de t’estimer le mérite ne reconnaît pas en toi, jeune padawan bien dégourdi, la molle indolence de nos jeunes branleurs indigènes ! Enfant d’un peuple qu’ils disent immature, tu es bien trop mature pour qu’ils te croient enfant.
Et comme ici, on respecte le quota — comme à la pêche en mer mais à l’envers —
on ne garde les plus petits et on rejette le reste dans cet entre-deux vague des ni-ni, où ni mineurs ni majeurs, il ne leur reste plus qu’à attendre que, plutôt tard que tôt, le juge des enfants statue sur leur sort.
Si enfin il décide que ce sont des enfants, ceux-là ne sont pas pour autant sortis d’affaire pour entrer dans le giron de l’ASE car alors, cette Aide Sociale à l’Enfance, qui semble avoir davantage vocation à jeter qu’à aider, interjette appel de la décision. Ou bien, mandatée comme représentant légal d’un jeune de 17 ans, elle fait tant de manière pour signer son contrat d’apprentissage que le jour où elle y consent, il en a 18 et n’y peut plus prétendre…
C’est pas joli-joli, tout ce mépris qui s’exerce sans vergogne sous la conventionnelle bannière des droits de l’enfant. Même ceux parmi les MNA qui d’emblée sont reçus dans la brassée du quota attendent des mois, souvent seuls à la rue, leur prise en charge. Alors ceux qui sont comme on dit “en recours”, vous pensez bien ! Il est vrai, comme l’ASE aura beau jeu de le signifier, que les fonds lui manquent, et que les nôtres, de gosses placés, ne sont pas tellement mieux lotis… Mais quant à exiger d’en haut des fonds, c’est pas vraiment, on l’a bien compris, à l’ordre du jour… Dans ce monde en débine, hors la croissance, la guerre et la protection des frontières, les budgets publics ne valent d’être votés que s’il y a moyen de les rentabiliser dans quelque entreprise lucrative pour qu’ils bénéficient aux intérêts privés. Tout ce qui ne rapporte rien comme les vieux sans pension, les malades sans mutuelle, les étrangers sans papier monnaie… qu’ils se démerdent pour s’autogérer ça entre eux !
Qu’est-ce que vous croyez qu’on peut faire d’autre ? On se rassemble, on constitue on se regroupe en aide et soutien solidaires, on y consacre, à fond, plein notre temps (et dire que ça ne compte même pas dans les 15 h de taf hebdo pour mériter son RSA…)
Il reste encore sur Alès des mineurs isolés. 10 petites gueules noires autour desquels des bénévoles bricolent pour leur trouver des solutions. 10 petites gueules noires qui espèrent aller à l’école pour apprendre un métier. Et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’ils sont motivés… Mais qu’est-ce qu’on peut faire ? Je vous le demande !
Oui, je vous le demande : à vous, patrons de petites boîtes de mécanique ou d’électricité, entrepreneurs du bâtiment, restaurateur, artisan boulanger, garagiste, directeur de CFA… ou entraîneur de footballeurs professionnels… qu’est-ce que vous pourriez bien faire pour qu’on vous seconde un peu dans votre boulot, sans que ça coûte un bras et, si possible, autant que ça serve ? Fouillez s’il vous plaît, dans votre bon fond, y retrouver l’envie qui tenaille d’enseigner la jeunesse et de lui transmettre, avec le savoir faire, le savoir être solidaire. Décidez de partir avec l’un de ces aventuriers de l’impossible sur un contrat d’apprentissage ! Ces ptits gars trouvent que les gens d’ici sont gentils… On va quand même pas les décevoir !
Artisans, patrons du Gard qui m’écoutez, vous avez besoin d’eux. alors je compte sur vous… pour me laisser un message sympa, à la radio qui transmettra.