La parenthèse d’Isa 061224 Allo ?
Diffusé le 20/12/2024
ALLOPHOBIE AU TELEPHONE
J’ai parlé le mois dernier de dix mineurs isolés, en galère à Alès.
Je pourrais, ce mois-ci, causer politique nationale ou étrangère (y a du gras…) mais je vais plutôt poursuivre sur l’étrange politique qu’on pratique ici vis-à-vis de ceux qui viennent d’ailleurs…
Le législateur hexagonal serait-il allophobe ?
Aurait-il, comme Trump, des problèmes…
d’oreillette pour se montrer si dur… de la feuille peut-être, avec l’allophone ?
… Quoi ?
Non, un allophone n’est pas un moyen de s’atteindre à distance.
L’allophone, c’est un zigue qui ne cause pas comme tout le monde. C’est un pékin qui, quand il décroche, fait « moshi-moshi » ou bien « pronto ! » ou encore « ¿ diga ? ». Tout dépend de sa géolocalisation.
En règle générale, l’allocution de l’allophone n’est intelligible que pour l’allophone qui baragouine le même patois.
Qu’on en juge :
Le DN MA EO des MNA se fait sans CIR, lit-on au CESEDA. Grâce au PUMA ils ont une AME et selon le COMEDE, même en cas de RATATA, aucun OQTF n’est requis contre un MNA. La CIDE veut qu’une OPP le mette à l’ASE. Pourtant beaucoup sont en HUDA voire SDF et le GIP-HIS en a plein le CHUM.
Ooooh ! Mais que voilà un moyen de faire une chronique de moins de trois minutes !
Peut-être mais… on n’y comprend rien…
Bah oui, vous avez tout compris : l’administration, ses obscurs acronymes et ses sigles sibyllins…
Pour pas louper le coche — comme certain l’esgourde au roi des ricains — il faut un peu d’entraînement.
Ne pas s’emmêler les pinceaux. CIDE, qui s’emploie comme suffixe de l’assassinat peut aussi faire appel à la convention qui défend les enfants…
Faut pas confondre le MNA — qui est le mineur venu là sans papa ni mama — avec le MMA — même si c’est un vrai sport de combat, dans lequel s’engagent ces gosses, et qui s’achève souvent au tapis…
Et le PIR, c’est le parcours d’intégration républicaine.
Surgi avec la (nouvelle loi immigration), le PIR (suppose que) l’allophone décroche de son idiome, qu’il adopte l’indigène, qu’il s’accorde à la tonalité locale.
Bien sûr, on ne parle pas là de l’allophone à nœud pap, qui a son nom dans le Bottin, mais du sans-pap anonyme, qui pour entrer dans l’annuaire de sa localité doit démontrer qu’il maîtrise le français.
Ainsi en ont décidé des mecs qui, par ailleurs, négocient avec la Chine en anglais ou entendent la messe en latin…
Pour séjourner sur ce sol, il faut savoir faire des pieds et des mains, mais surtout de la langue… et le ventre affamé, qui n’a pas L’oreille d’un type haut placé… va devoir composer… (tonalité puis musiquette bien énervante)
Nos petites gueules noires d’Alès rêvent de lendemains qui chantent plus juste.
Ils ont au moins cette chance, si l’on veut, qu’ils viennent de pays où la France a (planté) sa langue. Le français, ils en ont reçu des bribes à l’oreille. Reste à le lire et l’écrire. Une autre paire de manches… mais ils ne demandent que ça ! Aller à l’école. C’est de leur âge. Seulement, pour faire respecter ce simple droit, encore faudrait-il qu’à nos demandes, réponde un autochtone avec qui on s’entende… et pas qu’au bout du fil on tombe sur une espèce d’allophonie bien familière :
Si le DASEN ne veut de vos MNA ni en EPLE, ni en CFA, faut voir avec l’ESFAEC, ou bien le CASNAV pour un UP2A.
(remusiquette d’attente)
Si ça continue, on va finir par éructer des noms d’espèces vernaculaires que certains vont en avoir des acouphènes…
— Ah l’UP, Ah-Ah ! bah non, ça va pas. C’est pas fait pour ces mineurs-là.
— Comment ???
— C’est pour les allophones.
Non mais allo, quoi !
En clair, l’éducation Huppée double A qu’on dispense là est réservée aux élèves allophones et aux enfants du voyage, et nos gamins viennent de pays où le français est la langue officielle enseignée.
Je veux bien, mais puisqu’ils n’y sont jamais allés, à l’école !…
Allo ou francophones, on peut pas vraiment dire… Comme les ados du monde entier, ils sont surtout smartphone.
Et quand on les appelle, il y a un Gabonais au numéro demandé qui répond et traduit pour les autres en woloff, en peul, en bambara…
Alors j’insiste : puisque la qualité d’allophone s’estime à l’étrangeté de la langue qu’il maîtrise, ne pourrait-on pas estimer qu’un jeune migrant ne sachant ni lire ni écrire le français mais très dégourdi en matière de téléphonie nomade est, quelque part, lui aussi, un enfant du voyage ?
Mais pas moyen. L’autre autochtone, au bout du fil, est bouchée. On ne se comprend pas, l’administration française et moi. J’y perd mon latin, mes nerfs et ma patience…
Et au fond, qu’on le trie à la langue ou au pif, qu’est-ce que ça change ? Quelles que soient les qualités de l’allophone, elles s’établissent à la mesure des besoins qu’en a l’autochtone….
Qu’on lise de gauche à droite ou à l’envers, entre les lignes, étrangement, c’est partout combiné pareil…
Sur la partition du monde en classes et en frontières, ce sont toujours les mêmes qui donnent le la.
Et au final, à quoi ça rime tout ça ?
Pendant qu’en haut du panier, ça se chamaille en pure perte autour de la bannette à Barnier, à qui qui va tirer à lui le plus de voix des Français
en dessous, ça se dispute les miettes qui tombent du budget.
L’immigration, même illégale, ça profite au PIB.
Car il y a du taf à la pelle ! Il faut trier, placer, déplacer, loger, déloger, expulser, bloquer, parquer, ensevelir ou reconduire, les plus ou moins allofrancophones mais pas franchement franco-russes… Tout un tas d’aigrefins sont sur le coup, qui savent sur le bout des doigts les ressorts et le jargon de l’Administration :
sélectionneurs des meilleurs, préparateurs au pir, marchands de sommeil, exploiteurs de subventions, gestionnaires de camping à (Grande-Sainte), cantinières en chef d’armées de bénévoles…
Non mais allo quoi ! Jusqu’à quand va-t-on supporter ça ?
En quelle langue faut le dire, que ça passe de plus en plus mal ?